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Le confinement : un jeun social.


Un grand nombre de religions du monde pratiquent, d’une manière ou d’une autre, le jeun. Au-delà de la signification propre qu’il revêt pour chacune d’entre elles, le jeun offre l’apprentissage, à des degrés variables, de la privation. Cet apprentissage est indispensable. La privation volontaire nous fournit en effet l’éclairage (minimum) sur la valeur des choses essentielles. Cette pédagogie est d’autant plus salutaire que nous avons désormais accès à tout, en grande quantité, de manière quasi-permanente et avec une grande facilité (soins médicaux, alimentation, transports, etc.). Le jeun permet ainsi de garder à l’esprit que ce confort que nous tenons désormais pour un acquis absolu – de pouvoir s’alimenter facilement et de manière continue – demeure malgré tout vital.


Il n’y a pas d’équivalent au jeun, du moins de manière aussi institutionnalisée, pour un autre aspect essentiel de notre existence : les autres. C’est une vérité universelle que nous avons un besoin vital de nous voir les uns les autres, de nous parler, de nous sentir et de nous toucher. Certes nous pouvons décider de partir quelques jours en cure, en thérapie ou en retraite mais cela se fait rarement de manière parfaitement isolée et encore moins prolongée. Rares sont ceux parmi nous qui peuvent se targuer d’être de véritables ermites. La réalité est que notre instinct nous conduit à nous regrouper et à nous réunir plutôt qu’à nous reclure. Ceci est d’autant plus vrai qu’il n’a jamais été aussi aisé de se voir les uns les autres grâce au développement des moyens de transport et à la multiplication des lieux de vie.


Jusqu’à maintenant.


Le confinement nous interdit de nous voir, de nous parler (de vive voix), de nous sentir et de nous toucher. Au commencement, cela ne nous a guère affectés car nous pensions que les réseaux sociaux et les outils de visio permettraient d’alimenter notre « faim » des autres. Entre les blagues qui circulaient sur Whatsapp et les apéro House Party, nous étions sauvés.


Mais il n’en est rien.


Les moyens de communication sont aux rapports humains ce que la perfusion est à l’alimentation. Ils nous permettent de survivre mais pas de vivre. Il n’y a pas (ou peu) de saveur. Il n’y a pas (ou peu) d’émotions car il n’y a pas (ou peu) de sensations.

Au risque de vous choquer, je trouve notre situation salutaire. Le confinement est un jeun social. Nous vivons une privation de rapports humains dont nous retirerons, sans en douter, une revalorisation de ce qu’ils sont mais, surtout, de ce qu’ils doivent être. Non, on ne peut se nourrir que des nouvelles sur Instagram ou Facebook. Non, on ne peut croire que l’on entretient une relation avec quelqu’un parce qu’on reçoit des notifications. Non, on ne donne pas aux autres avec des likes. Et comme l’a dit Aristote au sujet de l’amitié : « (Elle) est une âme qui anime deux corps. » Pas deux comptes Instagram.


Tout comme le jeun nous redonne la valeur des aliments, le confinement nous redonnera la valeur d’être ensemble.


NL.

23 avril 2020.

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